Réseaux de surveillance à l’échelle nationale, européenne voire mondiale, capteurs de CO2 et COV, purificateurs d’air professionnels, objets connectés grand public… la mesure est constante tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Un nombre toujours croissant de données circulent. La QAI n’échappe pas à la règle. D’autant que la situation sanitaire Covid-19 a rendu cette question prégnante, notamment au travers de l’appréciation du taux de confinement dans une pièce. Ouvrir tout ou partie de ces données pour les partager, c’est garantir aux citoyens un meilleur niveau d’information. Pour les entreprises, il s’agit aussi d’imaginer de nouveaux services « data driven » destinés à leurs clients. Une façon de concilier intérêt général et développement économique responsable afin d’atteindre l’objectif d’un air pur pour tous !

Si la mise en œuvre de la politique d’open data est ancienne d’une décennie en France (la mission ETALAB a été créée par un décret du 21 février 2011 tandis que la loi pour une République numérique a été promulguée le 7 octobre 2016), son appréhension par le grand public reste un phénomène en devenir.

Dans un récent article sur le sujet, La Gazette des Communes reprend les chiffres du baromètre 2021 du CREDOC : 27% des sondés déclarent avoir déjà consulté des données publiques et ouvertes mais 42% reconnaissent ne pas savoir vraiment de quoi il retourne. L’une des illustrations les plus connues du phénomène en cours est le site covidtracker qui met en forme – pour les rendre compréhensible par chacun – les jeux de données Covid-19 publiés chaque soir par les Agences Régionales de Santé (ARS) sur la plateforme GEODES : le nombre de tests par jour, le taux d’incidence national et selon les départements ou régions, les hospitalisations, les réanimations… l’ensemble de ces chiffres sont disponibles de façon libre : ils peuvent être retraités à l’envi puis présentés en ligne sous forme de datavisualisation ou dataviz, c’est à dire des infographies ou graphiques interactifs.

Copie d'écran du portrail en ligne français de l'open data : data.gouv.fr
Page d’accueil du portail officiel data.gouv.fr

« Faire de l’open data, c’est rendre ces informations numérisées réutilisables par le plus grand nombre, explique Jean-Marc Lazard, CEO d’Open Data Soft, leader français du marché, dans un podcast publié sur RFI. Réutilisable, cela veut dire publier ces informations dans les formats standards du web qui vont permettre aux internautes de les consulter avec les outils bureautiques du quotidien. »

Passer ainsi de la donnée à l’information – certains médias sont précurseurs en matière de data-journalisme (Le Télégramme de Brest en France, The Guardians outre-Manche, Financial Times dont les courbes retraçant l’évolution du coronavirus font référence) – figure d’ailleurs parmi les neuf objectifs à atteindre durant la prochaine décennie, selon le rapport du Think Tank numérique Fing « Dix ans d’ouverture des données publiques, un bilan critique » qui prône aussi la capacité à produire des data sets utiles et réutilisables pour un numérique éco-esponsable.

Le réseau des AASQA moteur du partage des données autour de la qualité de l’air en France

Quel rapport avec la Qualité de l’air extérieur et la QAI ? Le lien est direct : des données sont captées en permanence, compilées et des statistiques sont ensuite diffusées quant à la pollution sous toutes ses formes, en France et dans le monde. Dans l’Hexagone, selon un schéma national pré-établi, le réseau Atmo France est l’un des acteurs du dispositif de contrôle et d’alerte. Depuis le 1er janvier 2021, l’indice publié chaque jour par ses soins a été harmonisé avec les seuils de l’indice pour l’environnement. Il prend en compte les particules fines PM2.5 en complément du dioxyde de souffre (SO2), dioxyde d’azote (NO2), de l’Ozone (03) et des PM10. L’air extérieur est classé selon six niveaux : de bon à extrêmement mauvais.

La consultation s’effectue via la plateforme atmo-france avec des focus pour les principales villes du territoire. Onze jeux de données des polluants majoritaires sont proposés en téléchargement dans la logique d’open data poursuivie par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). A l’instar d’Air Breizh en région Bretagne qui a publié l’intégralité du pourquoi et comment de sa démarche.

Enfin, Prevair fournit un accès plus fin aux mesures en dissociant les polluants par valeurs unitaires même si celles des Monoxyde de Carbone et Dioxyde de Soufre ne sont pas fournies. Les modélisations reposent sur CHIMERE dont le code informatique est lui-même libre!

Dans le prolongement, un nouveau service est en beta-test : il s’agit de Recosanté, porté par le Ministère des Solidarités et de la Santé ainsi que celui de la Transition écologique. Après avoir rempli un rapide questionnaire (code postal du lieu de vie, type d’habitation, moyen de chauffage, activités pratiquées, présence d’animaux domestiques…) et dans le respect du RGPD, on reçoit chaque matin à 8h00, par courriel, un bulletin géo-localisé :

  • Indice de la qualité de l’air
  • Risque d’allergie aux pollens (graminées, plantain, urticacées, armoises)
  • Recommandations de bon sens pour améliorer la QAI de son logement

Pour être complet, le site Geod’air (Gestion des données d’observation de la qualité de l’air) donne accès depuis septembre 2021 à la base de données de référence sur la qualité de l’air en France avec une carte interactive pour sélectionner un hotspot parmi l’une des 550 stations AASQA.

Capture d'écran de la page d'accueil d'accueil du site GEOD'Air

Les enjeux de santé étant prégnants en la matière, des initiatives locales voient le jour comme celle de l’association Rouen Respire, née après l’explosion de l’usine Lubrizol, avec distribution de capteurs aux habitants de la métropole normande. Les données collectées sont publiées sur le site sensor.community, réseau global de détecteurs (plus de 13600 répartis dans 67 pays) «  mis en œuvre par des contributeurs bénévoles pour créer des données environnementales » comme il se définit. Il prend en compte dans son interface de restitution l’animation des couches de vent qui favorisent la propagation des PM2.5 et PM10.

En Angleterre, la ville de Bristol s’est doté d’un Air Quality Dashboard, quartier par quartier. Toujours au sein du Commonwealth, le projet australien Smart Beaches agrège de multiples indicateurs en lien avec la fréquentation des plages (qualité de l’eau, UV, météo générale) dont un indice de qualité de l’air. Il repose à la fois sur l’open data et le réseau IoT LoRaWAN qui relie les capteurs entre eux.

En Suisse, autre illustration, la startup Sparrow équipe les taxis et les bus de multi-capteurs qui mesurent la pollution urbaine (taux de PM2.5 et PM10, CO2, NO2, SO2, 03) au gré de leurs déplacements urbains avec restitution sous forme de cartes. A terme, « l’objectif consiste à fournir des bases scientifiques précises qui pourront appuyer de manière chiffrée des décisions qui permettent d’améliorer la vie des habitants », résume le magazine helvète PME.

Le pas avec la Smart City est franchi tandis que la boucle avec l’open data est bouclée : dans les limites imposées par la réalité de la fracture numérique, selon les territoires et les populations, il s’agit bien d’améliorer la vie quotidienne des citoyens en fondant de nouveaux services – publics ou privés – sur l’usage raisonné des données.

Data et transformation numérique : le digital au service d’une meilleure QAI

En ce sens, la data devient une alliée pour optimiser la QAI, couplée à des outils innovants comme les maquettes BIM (Building Information Modeling) ou jumeaux numériques de bâtiments. Des outils logiciels du marché, branchés sur un modèle BIM, sont aujourd’hui capables de simuler la concentration en polluants dans l’air d’une pièce à partir des matériaux de construction et décoration (moquette, peinture, colle…), de la ventilation, du taux d’occupation, de la pollution extérieure (en open data) pour vérifier si les seuils réglementaires (pour les ERP notamment) seront respectés. En plaçant, dans l’équation, l’appréciation du taux de confinement par le CO2… il est possible d’approcher le risque éventuel de propagation du coronavirus par aérosols. Dans le contexte sanitaire, l’intérêt n’est pas à démontrer qu’il s’agisse des bureaux, des écoles…

Un bâtiment existant, doté d’appareils de mesure (CO2, particules fines et COV) connectés, s’il dispose en plus de son double BIM, devient intelligent par sa capacité à stocker et transmettre de l’information. Un gestionnaire de lycée peut alors disposer d’une interface numérique globale et opérationnelle – la maquette numérique – pour y stocker ses diagnostics réglementaires, consulter ses tableaux de bord avec les mesures en temps réel, les alertes, les seuils de polluants dépassés… Cette approche tend vers le prédictif et facilite la prise de décisions. Et il n’est pas encore question ici d’apprentissage, Machine Learning ou IA. C’est la logique amorcée par le système de supervision IoT et gestion de parc de purificateurs d’air développés par NatéoSanté pour sa gamme EOLIS Air Manager.

Vue sur un écran d'ordinateur portable de la plateforme de supervision développée par NatéoSanté pour un suivi à distance et en temps réel de ses purificateurs d'air
Vue de la plateforme de supervision développée par NatéoSanté

Un air pur pour tous : comment mesurer et atteindre les objectifs zéro pollution ?

Dans son bilan de la décennie, évoqué précédemment, la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) place deux enjeux en tête :

  • Donner à voir et donner envie de se saisir de l’open data
  • Aller vers une logique de portails intégrés pour créer toujours plus de services utiles

Un double leitmotiv qui fait sens dans les domaines impalpables de la Qualité de l’air extérieur et celui de la QAI, défis sociétaux majeurs. Cela dans un contexte où il y a urgence climatique et effets dévastateurs conjoints sur la santé. « Si l’on réduisait fortement, rapidement et durablement les émissions de gaz à effet de serre, on en verrait les bénéfices dans 10 ou 20 ans » note le dernier rapport du GIEC AR6 Climate Change 2021. Le CO2 est le premier concerné mais aussi les émissions de méthane (pollution par les aérosols). Par les données ouvertes et publiques, la transparence de l’action et la mesure de la performance seraient garanties.

Vue d'un homme de dos respirant l'air pur des montagnes depuis un sommet rocheux

Il est intéressant, pour conclure de manière transverse, de voir que le visualiseur de données sur la qualité de l’air de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), récemment déployé insiste sur la capacité de chacune et chacun à anticiper la pollution atmosphérique dans la durée sur son lieu de résidence. L’ambition, dans l’idée d’un air pur pour tous, est de « fournir des informations concrètes à l’échelle locale qui donnent les moyens d’inciter les autorités à résoudre ces problèmes, résume Hans Bruyninck, directeur exécutif de l’AEE. Cela nous aidera à atteindre les objectifs zéro pollution de l’UE. »